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ÉCRITS DE PINA | “La Terre a tremblé”

" La Terre a tremblé " 

Il y a quelques années, il y a de cela, désormais un peu plus de dix ans, alors que j’étais par ailleurs, encore étudiante, j’ai dû subir, en urgence, une intervention chirurgicale. 

Une intervention chirurgicale, en urgence, car seule l’option chirurgicale était dès lors, encore possible, pour traiter et endiguer, et …
Parce que Mademoiselle avait trop attendu, il fallait désormais intervenir rapidement et ainsi.
Une intervention chirurgicale, qui n’en restait pas moins, dans l’étendue des possibles, relative en soi.
Une intervention chirurgicale cependant, qui nécessitait et a nécessité une anesthésie générale. 

Je me souviens encore, et entre autres, du chirurgien, qui juste avant que l’anesthésiste ne commence à me compter jusqu’à 5, pour vous savez … m’endormir profondément, m’avait, et mais je me souviens aussi et je crois, cela, avec sincère bienveillance et émotion, sermonné et dit, que si j’avais été sa fille, il ne m’aurait pas pardonné, d’avoir atterrie seule aux urgences, et par la marche qui plus est (je crois que cela l’avait particulièrement rendu dingue), d’avoir tenu autant, et d’être allée avant aussi, le reste de la journée, à ce fichu examen de philosophie, disserter des heures, pendant que je souffrais à côté et en même temps physiquement, bien silencieusement qui plus est, mais beaucoup moins silencieusement et beaucoup plus hâtivement dans mon corps, cependant et dans ce même laps temps d’heures, et que …
Désormais, il n’y avait plus le choix, pour endiguer le mal : l’intervention chirurgicale était nécessaire, et avec, en l’occurrence, une anesthésie générale.

1… 2 3 4 5 … 

Ellipse temporelle. 

Aux balbutiements de mon réveil, je me souviens que la toute première phrase que j’ai dite était :
“Je n’arrive pas à respirer. … Je n’arrive … pas à … respirer.”

L’on m’a expliqué que c’était normal, les brancardiers je me souviens, que j’étais en train de me réveiller d’une anesthésie générale.

Puis ensuite, l’une des premières choses que l’on m’a apprises au-delà de mon état, c’est que …
La Terre avait tremblé. La Terre a tremblé.

“ Mademoiselle, pendant le temps et la nuit, où vous avez été endormie, … la Terre a tremblé.”

Nous étions en mars 2011, et quelques heures auparavant, avait eu lieu, la catastrophe sismique, tsunamique et nucléaire de Fukushima, au Japon. 

J’étais sonnée. S o n n é e … 

Faille sismique et faille temporelle. Faille émotionnelle aussi. 

La Terre avait tremblé. La Terre a tremblé.

Sonnée. 
À bien des égards.
Sonnée probablement et de fait, du réveil d’une anesthésie générale, mais aussi et avec : le réveil et le ressenti aussi déjà de premières reconnexions à mon corps et ses douleurs, dont chirurgicales, puis ensuite, pendant quelques semaines encore, de douleurs et soins cicatrisants.
Mais … dans l’immédiat, et au-delà de tout cela, j’étais sonnée, sans aucun doute, et plus encore, … autrement. 

Sonnée.
Sonnée d’une reconnexion au monde. Sonnée d’un retour à la vie, à la Vie, aux vies, au monde, aux pulsations de notre Terre même. 

Et celle-ci … La Terre … La Terre avait tremblé. 

Épicentre et drame au Japon, Pays du Soleil Levant, le long de la côte Pacifique du Tohoku. 

Un séisme de magnitude 9.1 Mw et d’une intensité maximale de 7, sur l’échelle de Shindo.

Et comme le rappellent encore certaines archives, si la secousse principale et la plus destructrice a eu lieu le 11 mars 2011, c’est cependant dès le 9 mars que la terre, elle, avait commencé (sournoisement) à trembler dans la région.
Autre et parallèle ellipse temporelle. Et, encore une fois, et le tout ainsi mêlé : faille sismique et faille temporelle.
Je n’en étais que d’autant plus troublée, dans et de cette reconnection au monde, reconnection aussi à sa et ses temporalités, au-delà, de la mienne et des miennes, quelques peu mises en suspend, en particulier quelques heures, du fait, littéralement et cliniquement, d’une condition et d’un état, … d’entre deux mondes, d’entre deux, d’entre, de vie et de mort. 

Et pourtant, il n’en était rien.
Peut-être encore sonnée, peut-être quelque peu affaiblie.
Déjà aussi, d’hier comme d’aujourd’hui, toujours un peu entre un ici et un ailleurs et des ailleurs,  … j’étais bien vivante moi. 

Vivante et en cours de reconnexion au monde, dont d’à son et ses actualités, évènements, instants, faits, connexions, et résonances, entre autres.
Dans ce qu’il peut avoir de plus beau, mais aussi de plus dramatique.

Je n’oublierai, jamais, je crois et je pense du moins,  entre autres, cette expérience, ces souvenirs, cette chronologie et en particulier, cette phrase que l’on m’a dite, puis que je me suis dite, répétée, et qui continue encore si souvent de me revenir et en certaines circonstances plus encore : “ La Terre a tremblé.” 

La Terre a tremblé.

Amicalement Vôtre,
Pina